« L’idĂ©e qu’il est possible de crĂ©er un partage gigantesque d’innovation grâce Ă  l’open source est très importante » (Massimo Banzi)

Et si l’histoire se rĂ©pĂ©tait ? Et si l’Internet de demain se construisait dĂ©jĂ  aujourd’hui et que ses grands acteurs avaient posĂ© leurs fondations ? Tout comme ceux qui ont rĂ©ussi dans le Web Ă  ses dĂ©buts, ces nouveaux acteurs son encore peu connus mais regroupent dĂ©jĂ  des millions de personnes. Et si vous Ă©tiez l’un de ces acteurs sans le savoir ? Et si le règne amĂ©ricain Ă©tait terminĂ© et que l’Europe reprenait du poil de la bĂŞte ? Massimo Banzi serait-il le nouveau Linus Torvald, inventeur de Linux ? Arduino serait-il Ă  l’origine de la plupart des innovations de demain ? MalgrĂ© toute la volontĂ© des gĂ©ants installĂ©s depuis des dĂ©cennies pour prendre la main sur le futur, les objets connectĂ©s ont choisi leur système d’exploitation, c’est Arduino, et c’est basĂ© sur le partage et la solidaritĂ© des Makers ! Cette communautĂ© solidaire qui a choisi de vouer sa vie Ă  innover et Ă  rassembler tous ceux qui ont envie d’apporter leur pierre sur cette cathĂ©drale rĂŞvĂ©e par Eric Raymond, cette cathĂ©drale des nouvelles technologies Open qu’il a nommĂ© Bazaar…

Arduino, c’est un mĂ©lange de logiciel et d’Ă©lectronique concentrĂ©s dans des cartes programmables par n’importe qui sachant connecter une prise USB, dĂ©marrer un ordinateur et lire des bandes dessinĂ©es explicatives ! Et j’exagère Ă  peine… Ce nouveau gĂ©ant de l’open source a mis en place une plateforme en ligne pour que vous puissiez soit acheter ses cartes Ă©lectroniques, soit les reproduire chez vous, puis rĂ©aliser rapidement les objets connectĂ©s de vos rĂŞves !

Massimo Banzi a acceptĂ© de nous rĂ©pondre au cours d’une heure d’interview, dans une ambiance très conviviale et ouverte. Je remercie Quentin Chevrier et Carine Claude de Makery de m’avoir prĂŞtĂ© leur matĂ©riel audio-visuel qui me permettra de vous offrir des images d’ici quelques temps.

La naissance d’Arduino : Une idĂ©e et une communautĂ©…

Shy Robotics : Bonjour Massimo, tout d’abord, merci de nous accueillir. Nous allons essayer de retracer ensemble votre aventure entrepreneuriale. Pouvez-vous nous raconter la naissance de votre première sociĂ©tĂ© ?

Massimo Banzi : A presque 20 ans, je me suis lancé dans le développement web avec quelques amis. C’était l’une des premières sociétés en Italie qui faisaient du développement Web. Ensuite, j’ai été embauché par une société de l’Internet en Italie pour manager ses développements. C’était une sorte de mouvement vers le salariat mais vous savez, pour moi ça n’avait rien de gênant. L’entrepreneuriat n’était pas une option, c’était quelque chose à explorer.

Shy Robotics : Comment avez-vous géré le démarrage financier de votre première société ?

Massimo Banzi : Aujourd’hui, mon expérience est différente de ce qu’elle était il y a quelques années. Mon père avait un commerce et je travaillais dans le magasin. Donc je connaissais les bases de la comptabilités, j’ai appris comment faire fonctionner le magasin : La facturation, les budgets, etc. Mais je suis devenu plus formel avec l’expérience : Je me suis fait avoir, j’ai commis des erreurs et j’en ai tiré les leçons.

Shy Robotics : Pour Arduino, avez-vous eu besoin d’investisseurs pour commencer ?

Massimo Banzi : Lorsque nous avons lancé Arduino, certains des fondateurs ont investi quelques milliers d’Euros pour réaliser la première fournée de cartes. Puis la production s’est autofinancée.
Vous imaginez qu’en 2005, nous étions une communauté ridicule en nombre dont personne ne se souciait. Donc aucun d’entre nous ne travaillait à plein temps pour Arduino. Nous avions un autre travail en parallèle. Pour ma part dans cette période, j’ai successivement enseigné dans deux établissements à Ivrea, puis je suis devenu consultant et ai participé à la réalisation d’expositions de projets de design.

Shy Robotics : Pouvez-vous nous en dire plus sur la naissance d’Arduino et de son équipe. Comment les fondateurs se sont-ils rencontrés ?

Massimo Banzi : En 2002, j’ai commencé à enseigner la “physique informatique” (physical computing) dans une école de design à Ivrea, dans le nord ouest de l’Italie. Cette matière apprend aux étudiants comment utiliser l’électronique pour prototyper les objets du futur qu’ils imaginent. Pour cela, nous utilisions des cartes électroniques compliquées à utiliser, conçues pour les ingénieurs, et uniquement compatibles avec Windows… c’était un peu compliqué… Donc j’ai commencé quelques expérimentations, et j’ai lancé un produit nommé Programma en 2003, mon premier prototype et le grand père d’Arduino.
Le principe était le même qu’Arduino : un environnement de développement, un langage simple, des tutoriels et une carte que vous pouviez réaliser vous-mêmes. Les étudiants ont adoré ! Mais Programma manquait de l’échange qu’on a pu créer aujourd’hui avec la communauté. Donc lorsque j’ai repensé le modèle, j’ai commencé par réunir des personnes avec une vision similaire à la mienne.

Shy Robotics : Comment avez-vous réussi à construire cette communauté ?

Massimo Banzi : Nous avons commencé par convier David Cuartielles, un autre professeur de “physique informatique” d’origine espagnole qui enseignait en Suède, pour qu’il nous rejoigne sur le projet. Nous partagions cette ambition de créer un outil pour les étudiants et j’ai pu lui présenter mon avancement sur le projet. Nous avons réalisé la première carte pour notre propre utilisation pédagogique, puis deux étudiants se sont joints au projet, David Mellis et Nicholas Zambetti. David Mellis est devenu l’un des fondateurs d’Arduino. Ensemble, nous avons commencé à développer le logiciel, puis nous avons convaincu d’autres personnes de nous suivre.
Tom Igoe, le plus célèbre des professeurs en physique informatique du monde, enseignait à la New York University. Il était surtout connu pour avoir été le premier à mettre l’ensemble de ses outils pédagogiques en ligne pour un accès libre au public. J’ai pris contact avec lui et l’ai invité à son tour à me rejoindre sur un projet de recherche à Ivrea. Le projet Arduino l’a beaucoup intéressé. La dernière pièce du puzzle des fondateurs est un ingénieur d’Ivrea qui connaissait un ensemble d’usines de production et il nous a aidé à l’industrialisation de la production de la carte Arduino.

Shy Robotics : Comment avez-vous géré le changement d’échelle de votre société lorsque vous avez commencé à devenir populaire et à grossir en conséquence ?

Massimo Banzi : Une grande partie de ces choses se passe du côté de la production en usine, donc c’est à elle d’assumer le changement d’échelle. Mais il est vrai que la première phase était plus expérimentale, et nous n’avions pas toutes les personnes nécessaires pour industrialiser correctement. Quand la quantité de cartes vendues à augmenté et lorsque le nombre de visiteurs du site Internet a grandit, alors nous avons du grandir à notre tour. Cela s’est traduit par des recrutements, l’ouverture de nouveaux bureaux à différents endroits du monde. Nous avons notamment ouvert des bureaux proche du domicile des fondateurs originaires de différents pays. Nous avons saisi les opportunités qui se sont présentées à nous.

Shy Robotics : Avez-vous un MBA ou un diplĂ´me de ce type ?

Massimo Banzi : Non, je n’ai même pas de diplôme. J’étudiais l’ingénierie électronique mais je n’ai jamais terminé le cursus…

Shy Robotics : Est-ce que quelqu’un vous a aidé à savoir ce qu’il fallait faire ou comment faire ce que vous avez réalisé ?

Massimo Banzi : Non, je pense que j’ai beaucoup lu. Mais évidemment quand vous pouvez avoir une idée approximative de ce que vous voulez faire, si vous lisez beaucoup et si vous comprenez comment le monde fonctionne, vous pouvez prendre quelques décisions stratégiques. Ensuite, vous devez faire appel à des professionnels qui connaissent les sujets comme la comptabilité et la loi, qui vont vous aider à accomplir votre projet. Mais j’ai beaucoup appris en regardant d’autres sociétés, en regardant l’histoire d’autres sociétés.

La stratĂ©gie Open Hardware d’Arduino est-elle risquĂ©e ?…

Shy Robotics : Quel était votre business model au commencement ? Comment avez-vous deviné que vous pouviez vendre un produit tout en en distribuant les plans ?

Massimo Banzi : En fait, le modèle était très similaire à celui de la mode.
Premièrement, dans la mode, vous diffusez un produit sous couvert d’une marque, et vous avez quelqu’un d’autre qui va le réaliser. Vous récupérer un pourcentage sur les ventes. Mais dans les faits, pour de nombreux pays, la mode ne peut pas être protégée. Il n’y a pas de preuve commerciale (trade marker) ou de copyright pour cette chemise par exemple. N’importe qui peut la refaire. Donc la démarche de la marque est de diffuser lourdement son produit comme le fait Louis Vuitton avec son sac. Vous inscrivez le logo partout, donc si vous voulez copier le sac, vous devez copier le logo.

La démarche d’Arduino est calquée sur ce principe. Nous avons lancé un produit avec une marque que nous avons rendu forte pour que lorsque les gens achètent nos produits, ils sachent qu’il s’agit d’un produit Arduino original. De plus, lorsqu’ils achètent nos produits, ils soutiennent notre marque.
Deuxièmement, toujours en prenant l’exemple de ma chemise, il faut bien comprendre que certaines personnes veulent juste une chemise avec le logo de la marque pour laquelle ils ont de la considération, mais en payant le moins cher possible. Ces personnes vont acheter une copie de la chemise Armani ou quelque chose qui ressemble aux chemises de cette marque, pour profiter de l’effet de la marque sur leur environnement social. Mais ces gens ne dépenseront jamais plus d’argent pour avoir l’originale !
Dans un sens, nous savions qu’il y avait une partie du monde qui irait toujours vers le produit le moins cher et les copies.

Shy Robotics : Qu’est-ce qui fait la différence entre les personnes qui vont acheter votre produit et ceux qui vont acheter la version chinoise moins chère ?

Massimo Banzi : Dans l’évidence, les copies chinoises sont par exemple beaucoup moins chères, mais l’électronique n’offre aucune garantie de fonctionnement. Si vous en achetez dix sur sur Ebay et que vous les connectez, alors vous aurez sept cartes qui fonctionnent à peu près, deux douteuses et une cassée. Et il n’y a aucun moyen pour vous de les retourner au vendeur pour vous faire rembourser !

Massimo Banzi : Donc c’est un état d’esprit de la part de l’acheteur qui prend un risque. D’un autre côté, les copies deviennent indissociables des cartes Arduino originales à l’œil nu et cela commence à nous poser problème car certains acheteurs pensent avoir affaire à nos cartes ; ça joue contre notre image et nous nous devons de réagir en inventant des protections. Nous avons pensé à réaliser un logiciel qui ne reconnait que les cartes Arduino, mais ça n’est pas une bonne solution. La problématique étant de ne pas nous mettre la communauté à dos. La solution serait plutôt de favoriser la dynamique de l’innovation pour que son rythme ne donne pas le temps aux copies d’entrer sur notre marché.

Shy Robotics : Depuis la naissance d’Arduino, le logiciel des cartes semble n’avoir pas changé. Pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet ?

Massimo Banzi : Vous faites bien de poser cette question car elle est importante. Notre objectif est de permettre au plus grand nombre de développer sur nos cartes, ce qui induit une priorité sur la simplicité d’exploitation, sur l’unification des outils de développement, et sur la forte compatibilité du code développé pour chaque carte avec l’ensemble de nos produits. Plus nos cartes évoluent avec l’émergence des objets connectés, plus elles peuvent accueillir de nouvelles fonctions, capteurs et actuateurs, de nouveaux processeurs, et plus ce travail de simplification du framework logiciel est complexe.
Grâce à cette philosophie, les gens débutent petit et peuvent rapidement intégrer une équipe forte.

Vous savez, quand on débute, qu’on met un temps et une énergie considérables pour résoudre des problèmes et apprendre. On n’a pas envie de tout reprendre à zéro lorsque l’on change de projet ou lorsque l’on souhaite améliorer le produit. Notre démarche vous permet de vous concentrer sur votre innovation sans vous inquiéter de la complexité de programmation de la carte.

Shy Robotics : Quelques personnes pensent que l’Open Source pose problème. Elles pensent que la disponibilité d’un code partagé en ligne imposerait des standards car on ne veut pas investir dans quelque chose qui est déjà fait, même si ça peut être fait différemment ou amélioré.

Massimo Banzi : Cela dépend. Il est impressionnant de voir le nombre d’alternatives logicielles qui réalisent une même fonction. Il suffit de regarder le nombre de bibliothèques incluses dans chaque langage informatique et qui réalisent à peu près la même chose. Je connais bien le cas du développement Web où ce fait saute aux yeux. Finalement, les gens sont heureux de réécrire ! Mais dans d’autres cas je l’avoue, s’il y a un code utile, que les gens le connaissent et qu’il fait le travail, alors ils l’utilisent.

Le leadership d’Arduino doit rester fort…

Shy Robotics : Combien de cartes électroniques avez-vous vendu depuis le début de l’aventure Arduino ?

Massimo Banzi : 1,5 millions de cartes ont été vendues dans le monde. Mais vous savez, le nombre exact d’utilisateurs dépasse largement celui-ci car n’importe qui peut faire sa carte Arduino avec notre modèle. Les seules copies chinoises distribuées sont évaluées à 3 ou 4 millions d’exemplaires. Ensuite, il y a toutes les cartes compatibles Arduino et faites maison que la communauté a développé. Certaines personnes utilisent Arduino pour développer leurs produits et demandent à leurs utilisateurs de télécharger notre logiciel pour la suite. Cela montre que notre objectif de simplicité d’exploitation est bien tenu.
Notre valeur ajoutée se trouve dans la fusion de l’ensemble matériel et logiciel pour maintenir toutes les caractéristiques auxquelles sont habitués nos utilisateurs, et dans la création des tutoriels. Personne ne veut faire ces choses ! Les gens veulent juste utiliser Arduino. Et nous nous retrouvons dans la situation où de nombreuses personnes reproduisent nos cartes mais ne s’attardent pas sur l’expérience utilisateur ; elles se disent : “Prenons juste Arduino !”.
C’est donc la communauté qu’il est intéressant d’évaluer en nombre, et le site Internet nous apporte une information à ce propos. Il voit passer plus de 5 millions de visiteurs chaque trois mois. En 2014, 18 millions de personnes l’on visité au moins une fois pour une durée moyenne de 6 minutes ! Cela signifie que des millions de personnes viennent pour lire la documentation, pour apprendre, pour se renseigner, etc.

Shy Robotics : Combien de salariés avez vous dans la société ?

Massimo Banzi : Nous avons environs 50 employés dont certains travaillent à temps partiel.

Shy Robotics : Comment innovez-vous pour conserver votre leadership ?

Massimo Banzi : Nous tentons de changer la façon dont la société fonctionne. Avant l’innovation, une autre problématique s’annonce à nous. Nous avons pris conscience que la production de nos cartes en Italie était un handicap en raison du prix. Le nombre de clients chinois et indiens est ridiculement bas car nous sommes trop chers pour les intéressés. Il serait plus judicieux de faire les cartes en Chine pour le marché chinois, et agir de la même façon en Inde. Le marché d’Arduino en Inde est immense !
Ensuite, la question est effectivement de savoir comment on peut créer un produit qui s’améliore constamment. Pour cela, nous nous sommes intéressés à un opérateur téléphonique chinois qui a initié un processus selon lequel il fourni régulièrement une mise à jour à la fois logicielle et matérielle pour ses produits. Donc vous pouvez constamment améliorer votre produit et le rendre sans cesse plus intéressant. Bien sûr, nous sommes conscients que cette démarche s’arrête de fonctionner à un certain point. Par exemple, le marché de l’éducation aime que les choses soient prédictibles, organisées, reproductibles, et pérennes. Mais d’autres marchés veulent constamment de la nouveauté !

Shy Robotics : Finalement grâce à vos cartes, vous vous êtes radicalement engagé dans le monde des objets connectés. Quelle influence croyez vous que vous aurez ?

Massimo Banzi : Nous avons déjà de l’influence lorsque l’on considère que nous avons intégré le premier module de connexion à Internet en 2007 et que le premier objet connecté basé sur Arduino date de cette époque. Depuis, nous avons adapté le ZigBee, le WiFi, et toutes sortes de modules connectés. Ce qui se passe désormais, c’est que l’IoT (internet of things) passe d’une phase expérimentale vers une phase plus industrielle, plus orientée consommateur. Donc nous devons passer de ce monde où les gens achètent nos cartes pour expérimenter vers l’autre monde où les gens achètent nos cartes pour les intégrer à leurs produits.

Shy Robotics : Il y a beaucoup de sociétés comme ça, qui achètent votre carte Arduino, l’intègrent à leur produit et le vendent ?

Massimo Banzi : En fait ils n’achètent pas notre carte directement, mais en prennent le design et ajoutent leurs propres éléments pour leurs produits. Kick Starter a réalisé une étude l’année dernière pour trouver que cent des projets présentés étaient basés sur Arduino d’une manière ou d’une autre. Ces cent projets ont collecté sept millions de dollars à eux seuls !

Shy Robotics : Si je lance une société, que je design un produit basé sur Arduino, et que j’ai besoin de votre aide pour intégrer la carte à mon produit, est-ce que je peux vous appeler ?

Massimo Banzi : Cela se produit principalement lorsque la société utilise un processeur supporté par Arduino. Ils peuvent nous payer pour ajouter le support là dedans et faire les bonnes commutations, etc. Nous l’avons fait avec Intel et nous supportons désormais deux de ses architectures de processeurs. Nous travaillons aussi avec d’autres sociétés pour les aider à faire des versions personnalisées d’Arduino.

Qui est Monsieur Arduino ?

Massimo Banzi

Shy Robotics : Je me demande d’où vient votre instinct d’entrepreneur. Vient-il de votre famille ou vos amis ?

Massimo Banzi : Je me suis déjà posé cette question dans le passé, et j’en ai conclus que cet instinct venait de la ville dans laquelle j’ai grandit. Monza, qui est au nord de Milan, rassemble de très nombreux entrepreneurs qui y ont implanté leur culture. Là bas, c’est très courant d’être un petit entrepreneur, d’avoir une société ou d’être son propre salarié. C’est dans cet endroit que de nombreux designers italiens s’installent et où la réalisation de nombreuses pièces de mobilier débute. Dans un sens, c’est cet environnement qui m’a montré cette évidence que je pouvais me lancer dans l’entreprenariat.

Shy Robotics : Qu’est-ce qui vous a donné cet intérêt pour le monde de l’open-source et pour l’open hardware ?

Massimo Banzi : J’ai utilisé les logiciels open source très tôt et pendant longtemps. Quand j’avais 20 ans je m’amusais avec Linux car je n’étais pas satisfait de Windows. Je cherchais quelque chose de plus puissant.
Le partage massif de productions logicielles diffusées librement sur Internet et que chacun pouvait utiliser dans ses produits se poursuit aujourd’hui sur Git Hub. Sur cette plateforme, vous pouvez récupérer les codes dont vous avez besoin pour créer votre produit, sous couvert du respect de la licence open source choisie par l’auteur. L’idée qu’il est possible de créer un partage gigantesque d’innovation grâce à l’open source est très importante.
Au démarrage d’Arduino, seule une petite poignée de personnes pouvait acheter le matériel nécessaire pour obtenir une carte électronique exploitable pour ses projets. Il vous fallait faire vos typons vous-mêmes, en commander la gravure sur Internet, percer vos trous et souder vous-mêmes les composants. Je me souviens d’un workshop au Chili en 2006, où des personnes avaient commandé leurs circuits imprimés sur Internet et réalisé 25 cartes électroniques entièrement à la main. C’est l’un des événements qui ont motivé notre démarche ; nous allions mettre à disposition une production de type open hardware en annonçant : “Ce n’est pas parfait mais c’est là ! Si vous le souhaitez, utilisez le !”.

Shy Robotics : Disposez-vous toujours de temps pour réaliser ce type de projet qui vous tient à coeur ?

Massimo Banzi : Bien sûr ! Tout dépend du temps dont je dispose ! Il est vrai que cette année a été plutôt bien remplie, mais quand j’ai du temps pour me relaxer je le prend pour imaginer des choses… J’ai aussi de nombreux amis à travers le monde, que je revois après les conférences pour échanger sur leurs projets.

Shy Robotics : Quel est le projet le plus impressionnant que vous ayez vu construit sur la base d’Arduino ?

Massimo Banzi : Cette question est compliquée dans le sens où ce qui était impressionnant il y a 5 ans ne l’est plus aujourd’hui. Je focalise mon attention sur les projets qui font émerger de nouvelles communautés comme ceux d’imprimantes 3D open-sources basées sur nos produits.
Ensuite, je prête une attention particulière à ceux qui développent d’autres modules, d’autres capteurs et qui les partagent avec la communauté Arduino. Ce qui est excitant dans ce fonctionnement communautaire, c’est qu’une fois lancé, le système est entretenu par la foule, le crowd.
Je suis bien sûr aussi friand de ces projets qui permettent le diagnostique et la détection de maladies, et les projets ambitieux qui ont pour mission de séquencer l’ADN… A mon sens, ces différents projets génèrent des outils qui vont nous permettre d’avancer tous ensemble, et c’est ce potentiel qui m’impressionne.

Je remarque toujours une différence entre les blogs qui parlent des projets funs et ceux qui parlent des projets de plus longue haleine qui souhaitent véritablement apporter leur pierre à l’édifice.

Shy Robotics : Avez-vous rencontré Richard Stallman, Linus Torvald ou Eric Raymond ?

Massimo Banzi : Jamais dans la vraie vie. Ils sont surtout là pour le public… Je passe du temps avec les Makers qui sont plus classiques dans le monde de l’Open Source. Aussi, je pense que Richard Stallman est un peu un fondamentaliste de l’Open Source, contrairement à moi-même qui ai une approche plus pragmatique. Je pense que l’open source très bien et je le pratique beaucoup, mais il n’est pas la réponse à tous les maux. Richard Stallman est trop catégorique à mon goût.

Un mot pour l’avenir…

Shy Robotics : Quelle est la suite de l’aventure Arduino ? Quelles sont les évolutions de cartes prévues ?

Massimo Banzi : La première évolution de nos produits se décline dans la carte Arduino Zero qui inclus un processeur 32bits ; c’est un Cortex M0 qui offre une bien plus grande puissance de calcul que les cartes que nous proposions juqu’à aujourd’hui.
La communautĂ© Arduino est aujourd’hui divisĂ©e en deux populations : Celle qui souhaite se former, et celle qui souhaite crĂ©er. Celle qui souhaite se former sur les technologies Ă©lectroniques de façon simple peut utiliser les gammes cartes qui Ă©taient disponibles jusqu’à aujourd’hui. En revanche, la catĂ©gorie qui souhaite crĂ©er Ă  une vision t’intĂ©grateur, c’est Ă  dire qu’elle est dans l’attente de cartes qui sont non seulement simples en terme d’exploitation, mais qui sont Ă©galement de tailles rĂ©duites et très simples Ă  intĂ©grer dans un produit ; produit qui peut potentiellement ĂŞtre commercialisĂ©. C’est donc tout Ă  leur avantage s’ils trouvent des cartes Arduino ou des modules de très petites tailles et Ă  très bas prix, qui rassemblent la connectivitĂ©, le processeur et la gestion de l’énergie – dont la batterie.
L’idée, c’est que si vous souhaitez commander 20 cartes pour une classe d’élèves, vous choisissiez les cartes Arduino classiques ; si vous avez une vision plus industrielle de votre produit, alors vous pouvez acheter 100 ou 1000 cartes et modules extrêmement compacts que vous insérez directement dans votre produit.
Nous nous intéressons à l’exploitation de Linux qui colle totalement avec notre vision. A travers la plateforme Arduino Yún, l’idée est d’exploiter la puissance de la distribution Linux OpenWrt pour permettre aux gens de construire des produits connectés sans se confronter à un nombre incalculable de services complexes en ligne. Linux s’occupe de faire toutes les connexions qui vont bien et de façon optimisée. L’orientation est différente de cette de la Raspberry Pi qui est un véritable ordinateur embarqué et qui est prévue pour se raccorder à un écran des enceintes, etc. Nous voulons un produit simple, programmable, puissant, connecté et intégré.

Shy Robotics : Merci beaucoup pour ces informations et pour le temps que vous nous avez accordé.

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