Le M1 de Meka est l'un des robots dont Google a fait l'aquisition ces dernières années.
Le M1 de Meka est l’un des robots dont Google a fait l’aquisition ces dernières annĂ©es.

Quand on pensait Ă  Google Inc. au dĂ©but des annĂ©es 2000, on pensait Ă  l’influence de plus en plus massive de son moteur de recherche et Ă  sa publicitĂ© ciblĂ©e. Il conquĂ©rait la toile internationale au point que les moins expĂ©rimentĂ©s l’appelaient Internet. Au grand dam de Microsoft Ă  la fin des annĂ©es 2000, Google Ă©tait vu comme le nouveau grand concurrent d’Apple grâce Ă  des Smartphones aux performances discutables mais aux tarifs très abordables. Appatant les dĂ©veloppeurs et entreprises grâce Ă  sa vision commerciale de l’Opensource, Google a permis Ă  son système d’exploitation de s’autodĂ©ployer sur des supports dont il ne soupçonnait mĂŞme pas l’existance. Android Ă©quipera entre autre les systèmes d’information et de divertissement des prochaines Audi selon le Wall Street Journal. Aujourd’hui, Google a l’image d’un porteur d’innovation immense dans de nombreux secteurs du domaine des nouvelles technologies et nous nous apercevons que finalement, la robotique n’est pas si nouvelle que ça pour le gĂ©ant de Mountain View. Il a commencĂ© Ă  communiquer sur sa voiture autonome il y a un peu moins de trois ans, et aujourd’hui on dĂ©couvre qu’Andy Rubin qui fĂ»t en charge du lancement d’Android, n’est autre qu’un ancien roboticien aujourd’hui responsable du rachat par sa sociĂ©tĂ© de huit grands acteurs de la robotique dans le monde. A croire que le nom d’Android n’avait pas Ă©tĂ© sĂ©lectionnĂ© au hasard.
Les créateurs de Google : Sergey Brin à gauche, Larry Page à droite.
Les créateurs de Google : Sergey Brin à gauche, Larry Page à droite.

Mais cette vision de Google est très raccourcie car on en oublie le plan commercial très controversé sur lequel Sergueï Brin et Larry Page ont batti cet empire dans leur chambre d’étudiants : “Organiser l’information à l’échelle mondiale et la rendre universellement accessible et utile“. Autrement dit, Google exploite toute information personnelle captée par les outils qu’il met à notre disposition. Des outils que l’on pense gratuits mais qui rapportent des fortunes car ces informations permettent le déploiement d’une quantité quasi-infinie de services générateurs de cash. Certains experts en sécurité qui s’opposent à ce modèle pourraient nous rappeler la définition de l’ingénierie sociale mise en ligne par notre gouvernement, une “Manipulation consistant à obtenir un bien ou une information, en exploitant la confiance, l’ignorance ou la crédulité de tierces personnes”. C’est à travers le parcours de Google et ses investissements successifs dans la robotique que nous allons tenter de comprendre le rôle caché des futurs robots de la marque.
Google et la vie privée
Avant d’entrer dans le détail de la robotique chez Google Inc., revenons sur les produits les plus connus mis à disposition par la compagnie ; un moteur de recherche incroyable qui nous offre des réponses au plus proche de nos attentes, les téléphones sous Android, la plateforme Youtube, Google Earth qui permet d’observer nos maisons vues du ciel comme si nous étions dans les locaux de la NSA, Maps et Waze qui nous guident sur les routes de la planète, Street View qui permet de visiter une ville et ses musées en trois dimensions grâce à des photos prises par les voitures de repérage Google. Voitures par ailleurs sanctionnées pour avoir enregistré bien plus que des images sur leurs passages. Les outils Google, ce sont les services Google+ qui tendent à concurrencer Facebook et qui s’intègrent de mieux en mieux à l’environnement de recherche, c’est Google Drive qui nous permet de travailler de façon collaborative sur l’équivalent des outils Office de Microsoft, c’est depuis peu Motorola qui est connu pour ses téléphones et composants électroniques performants et répendus, c’est Scholar qui met à disposition un ensemble de documents scientifiques en ligne, c’est Google Wallet qui nous permet de payer en ligne à la manière de Paypal grâce à un mot de passe associé à un compte Google, c’est évidemment Calendar qui se substitue à un agenda accessible partout et qui récupère notre emploi du temps personnel et parfois professionnel, c’est Picasa qui se confond maintenant avec Google+ pour la gestion des photos, c’est Chrome qui est “l’explorateur le plus performant du Web” et qui s’est parfaitement imposé face aux géants Internet Explorer et Firefox, c’est Talk qui est un service de messagerie instantanée qui se confronte à Facebook, Skype, Viber, et bien d’autres ; mais c’est aussi Sparrow, le service email client largement diffusé sur les plateformes Apple. On terminera cette liste avec la gamme Nexus de téléphones et tablettes signés Google mais fabriqués par des constructeurs comme Asus, Samsung et LG ; gamme qui risque de se confondre de plus en plus avec les matériels Motorola depuis son rachat par Google. Bref, il est de plus en plus difficile d’éviter les produits du mastodonte de Moutain View.
Les services Google
Les services en ligne de Google

Le point commun de tous ces produits, c’est qu’ils ont tous pour vocation de se rendre utiles Ă  l’utilisateur pour rĂ©cupĂ©rer ses informations personnelles sans qu’il n’en soit conscient. Il accepte de toutes les façons, la rĂ©cupĂ©ration de ces informations lors de la validation des conditions d’utilisation du service – contrat que l’utilisateur s’empresse de valider sans mĂŞme avoir eu conscience de l’importance de son contenu.
Extrait des conditions d'utilisation et de l'explication de l'exploitation des données personnelles des utilisateurs pour l'utilisation de Google+.
Extrait des conditions d’utilisation et de l’explication de l’exploitation des donnĂ©es personnelles des utilisateurs pour l’utilisation de Google+.

C’est ainsi que Google nous offre les meilleurs services au monde en matière de publicité ciblée et en matière de recherche en ligne. Il est toujours surprenant de voir que le moteur connaît la suite des mots clefs de notre recherche avant même que le premier soit complètement écrit. L’application Now pourra d’ici peu prédire nos besoins avant même que nous n’y pensions grâce à cet ange gardien qui nous suit désormais partout, notre Smartphone. Doté d’une puce GPS, d’un moyen de paiement NFC, de données de conversation (SMS, e-mails, messagerie instantanée, annuaire de contacts, appels vocaux, etc.), de l’éventuelle liste de nos prochains achats et voyages, le Smartphone connaît une partie non négligeable de notre vie. Par conséquence, Google sait où nous travaillons, où nous habitons, quels magasins nous fréquentons, quel parcours de course à pieds nous préférons, etc. Cela fait peur, mais les gains pour l’utilisateur sont énormes ! Grâce à ce capteur, Google peut détecter les bouchons sur la route que nous sommes susceptibles d’emprunter, pour nous conseiller un meilleur itinétaire, ou pour nous notifier la nécessité de modifier l’heure du départ pour notre prochain rendez-vous. Rendez-vous renseigné dans l’agenda, ou détecté comme une habitude grâce à la régularité de nos déplacements. Il est aussi déjà possible de recevoir des notifications d’offres commerciales lorsque l’on approche de certains magasins ou concessionnaires.
Google Now devine votre besoin avant mĂŞme que vous ayez conscience d'en avoir un.
Google Now devine votre besoin avant mĂŞme que vous ayez conscience d’en avoir un.

Les services de Google récupèrent donc nos informations personnelles, appliquent des algorithmes statistiques de masse pour déterminer des profils et des besoins, puis nous renvoient des informations ciblées. Cela nous permet de voir la vie de façon plus simple et plus agréable. Le problème, c’est que nous ne sommes pas les seuls à utiliser nos informations personnelles. Google les revend à des enseignes commerciales et aux services de sécurité des différents Etats du monde. AdWords, qui a fortement contribué à la richesse de Google et qui consistait à afficher les publicités ciblées des hauts des pages de résultats, n’est plus le seul à exploiter nos données. Il faut être conscient qu’à partir du moment où un tel outil est capable de cibler un profil et une personnalité, il peut devenir un excellent outil de propagande : “Mieux je te connais, mieux je te manipule”.
Il est très difficile de savoir s’il est prudent de laisser une société privée telle que Google s’emparer de la masse d’information qui fait de nous ceux que nous sommes aujourd’hui, au risque d’être manipulés. Elle nous oriente même désormais vers nos articles de presse préférés via Google Actualités, alors que la presse a toujours été le premier outil de propagande. Non seulement Google récupère nos informations personnelles, mais la compagnie peut nous influencer par de nombreux moyens.
Cela rappelle le débat qui avait été lancé en 1967 par Paul Baran, l’un des pères de la méthode de transmission de données connue sous le nom de Data Switching, dans le journal The Public Interest (1965-2005) sous l’article titré “The Futur Computer Utility”. Dans son article, Paul Baran spéculait sur le fait qu’un jour, une petite poignée d’ordinateurs fourniraient et factureraient “le traitement de l’information” selon le même modèle économique que les fournisseurs d’électricité. Il s’inquiétait de la concentration du pouvoir des marchés dans les mains d’un petit nombre de sociétés et en appelait à la vigilance des Etats pour établir des règles “offrant une protection maximum pour la préservation des droits sur les informations personnelles”.
La CNIL défend nos libertés.
La CNIL défend nos libertés.

C’est seulement le vendredi 13 décembre 2013 qu’Isabelle Falque-Pierrotin, présidente de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil), a réclamé sur France Inter l’ouverture d’“un grand débat “ sur la “société de surveillance”, trois jours après l’adoption d’un article controversé de la loi de programmation militaire ayant trait aux interceptions. “Il serait effectivement utile d’avoir aujourd’hui un grand débat sur cette société de surveillance au sens large qui se met en place à travers les actions aussi bien des acteurs publics que des acteurs privés”, a-t-elle déclaré. “C’est un débat (…) qui attirerait l’attention de nos concitoyens, qui ne sont peut-être pas suffisamment informés de ce qui se passe sur ces questions, et qui nous obligeraient collectivement à faire des choix ». La présidente de la Cnil a aussi ajouté qu’il était « temps de fixer un certain nombre de balises par rapport à l’utilisation de ces technologies ».
La difficulté du débat est d’autant plus grande que le public n’a pas forcément conscience de la valeur de ses informations personnelles, et que les Etats ont eux-même trouvé un intérêt dans leur rachat. L’Italie a par exemple développé un outil de détection de fraude basé sur les dépenses de chaque individu, le Redditometro. Lorsque l’on a compris ce potentiel et que l’on est une société bénéficiant par exemple d’informations bancaires, il devient vite intéressant de la revendre ou de se placer comme intermédiaire de la transaction. C’est ce créneau qu’à choisi Google pour son application Wallet.
En lisant la publication Changing Behaviours: On the Rise of the Psychological State, on comprend comment une information bien exploitée peut aider à réduire la fraude, mais aussi les accidents de la route, les problèmes de surpoids, inciter une attitude écologique, et pousser à la consommation des produits d’une marque plus influente financièrement qu’une autre. Les smartphones fournissaient déjà une quantité impressionnante de données, mais imaginez désormais qu’un outil qui puisse vous guider à tout moment se superpose à votre vue ; vous venez d’imaginer les Google Glass. Assimilées à la reconnaissance de formes et de contextes, ces lunettes nouvelle génération pourront enregistrer chacun de vos faits et gestes et se rendre si indispensables qu’une personne arrêtant leur utilisation pourra devenir suspecte lors d’une enquête. Elles seront capables de détecter un accident de voiture et de demander assistance avant même que celui-ci ne soit terminé, elles vous rappelleront l’identité de la personne à laquelle vous parlez mais dont vous avez oublié le prénom ; à quoi bon faire les présentations d’ailleurs ?
C’est petit à petit que l’on observe l’insertion physique de Google dans nos foyers et nos poches. Je suis d’ailleurs le premier à encourager le développement de ces technologies puisque j’ai un Nexus comme téléphone, je fais mes recherches sur Google parce que je trouve que DuckDuckGo est moins performant, j’aime que le dernier itinéraire recherché sur mon ordinateur se soit synchronisé avec mon téléphone pour accélérer le processus d’entrée d’adresse dans mon application GPS Waze (racheté par Google cette année), etc. Je pense personnellement que ces systèmes méritent d’exister, mais qu’ils devraient être mieux maîtrisés par nos Etats car ils ont une réelle influence sur les peuples. Le dernier événement politique provoqué par un tel système qui me vient à l’esprit est la rebélion qui s’est produite en Syrie grâce à Facebook et qui a servi à instaurer “une démocratie”… Mais dans le sens inverse, cet outil peut servir aux gouvernements pour se prémunir de ces rebellions… Et curieusement, il est très difficile aujourd’hui de retrouver des articles qui évoquent l’influence des sites communautaires ou des réseaux sociaux dans ces événements.
Au delà de la récolte d’information toujours plus abondante qu’il réussit à faire, le géant de la recherche semble penser à son avenir. On le sait tous, les grandes sociétés de ce monde ne sont pas éternelles car elles se font toujours rattrapées par l’innovation. On le perçoit à travers le déclin de Microsoft dans le monde des “Tablet PC”, le raté qu’a connu IBM dans le monde des ordinateurs personnels, la disparition de Sun à travers le filet d’Oracle, la déperdition de Nokia et Blackberry, etc. Il s’avère que se reposer sur un type de service particulier est dangereux et qu’une société à l’envergure de Google doit profiter de ses capacités d’investissement pour s’étendre sur des secteurs qui n’étaient à la base pas au coeur de son métier ; l’innovation permet de repousser la surprise de la concurrence. Et le géant du Web réussi à le faire de manière très intelligente en exploitant les capacités des technologies qu’il rachète pour poursuivre le développement de la quête qui l’a fait naître.
Si l’on suit la stratégie de Google, bien que les produits qu’il développe soient très utiles, ses robots ne seront qu’un capteur de plus glissé dans nos maisons et notre vie quotidienne. Qu’on soit pour ou contre, il faut en être conscient lorsqu’on parle des produits Google. De plus, à l’époque où les autorités peuvent utiliser notre webcam sans activer le témoin lumineux et où Facebook nous retrouve sur nos photos, Google est loin d’être le seul à vouloir mieux nous connaître.
Google et la robotique
Ce grand innovateur s’intĂ©resse plus ou moins Ă  la robotique depuis ses dĂ©buts ; du moins Ă  l’aspect qui touche Ă  l’intelligence artificielle. Comme on le sait, le moteur de recherche parcourt la toile grâce Ă  de petits robots virtuels capables de comprendre le contexte et le contenu des sites Internet. Ces robots contribuent Ă  l’indexation de l’information qui nous est proposĂ©e comme rĂ©sutat lors d’une recherche. A notre tour et sans en ĂŞtre conscients, nous sommes sondĂ©s pendant une recherche car Google vĂ©rifie le temps passĂ© sur la page que nous avons sĂ©lectionnĂ©e parmi les rĂ©sultats. Fournir des informations Ă  un utilisateur a une consĂ©quence concrĂŞte dans le monde rĂ©el, d’autant plus que ces informations sont de plus en plus exploitĂ©es par d’autres machines. Capter les informations de l’environnement rĂ©el pour produire une action dans ce mĂŞme environnement via des actionneurs, rappelle la dĂ©finition d’un robot. A cette Ă©chelle, on pourrait imaginer une pieuvre aussi grande que le monde dont le centre serait la ferme de serveur de Google, les tentacules l’ensemble des connexions Internet et sans fil, et l’extrĂ©mitĂ© de celles-ci tous les appareils Ă©changeant avec la ferme. Dans un avenir proche, lorsque des robots figureront parmi ces appareils, il sera difficile de dire s’ils font partie du robot gigantesque que forme cette pieuvre ou s’ils en sont eux-mĂŞmes.
Pour faciliter le raisonnement, concentrons nous sur les robots physiquement reconnaissables que l’on placerait aux extrémités des tentacules de notre pieuvre. Plus un robot a d’information sur son environnement en relation avec une tâche donnée, plus le robot est performant pour cette tâche. Cela requérant bien-sûr la maîtrise de l’interprétation de cette information. C’est ce principe qu’ont développé Stuart Russell et Peter Norvig dans le livre Intelligence Artificielle ; Peter Norvig étant l’un des directeurs de la recherche de Google. Lorsque vous lisez ce livre, vous redécouvrez la robotique ! L’influence de Google commence finalement sur ce qui a fait sa richesse : Les algorithmes de gestion de données, les précurseurs de ce que l’on nomme aujourd’hui le Big Data.
Les acteurs de la sociĂ©tĂ© n’hĂ©sitent pas Ă  partager leurs connaissances pour former les futurs experts et contributeurs de ces marchĂ©s encore Ă©mergeants. Sebastian Thrun, fondateur de Google X Lab, a crĂ©Ă© le MOOC – cours universitaires interactifs en ligne – Udacity.com et revient Ă  son tour sur les principes d’intelligence artificielle qui ont permis la crĂ©ation de la voiture autonome Google Car. A un autre niveau, Google Ă  dĂ©veloppĂ© l’ADK (Accessory Development Kit) en 2010, un outil permettant d’interfacer des accessoires avec un tĂ©lĂ©phone sous Android ; outil très exploitĂ© par la communautĂ© Arduino. De lĂ , on a vu apparaĂ®tre un robot solveur de Rubixcubes dont le coeur d’intelligence repose sur un smartphone, un robot dragon dont le visage et les expressions associĂ©es sont dessinĂ©s sur un autre smartphone, et des robots de combat oĂą le smartphone joue cette fois-ci un rĂ´le semblable Ă  celui d’un chevalier sur sa monture.



Beaucoup plus ambitieux en terme de robotique, Google a sponsorisé le Google Lunar X Prize qui arrivera à terme en 2015. Ce concours organisé par l’association à but non lucratif X Prize Foundation créée en 1995 et qui a donné naissance au SpaceShipOne, a pour objectif d’encourager la recherche et le développement dans le domaine des technologies qui pourraient améliorer les conditions de vie de l’humanité. Comme le soulignait Frédéric Boisdron dans Planète Robot numéro 8 sorti en mars 2011, “il y a quinze ans encore, seule une nation au budget colossal pouvait prétendre envoyer un objet sur la lune. Aujourd’hui, des sociétés privées tentent cette aventure”. Ainsi, trente millons de dollars sont mis en jeu pour récompenser la première société privée qui saura envoyer et poser un robot sur la Lune. Il devra pouvoir se déplacer et parcourir une distance de cinq cents mètres sur le sol sélénite, et partager des données capteurs avec la Terre.

En 2010, on entendait par la presse que Google travaillait sur des quadricoptères anciennement utilisés par la police anglaise et produits par la firme allemande Microdrones GmbH. On s’imaginait à l’époque que le géant du Web allait les exploiter pour améliorer les images fournies par Google Street View.
Depuis, nous avons vu la naissance de la Google Car dans laquelle s’exprime toute la puissance de Google en robotique ! Comme nous le dĂ©crivions dans notre dossier sur l’introduction sociale des robots, elle est l’un des projets les plus aboutis et les plus communicants du genre – en terme de presse Ă©crite.
Elle est l’actionneur qu’il manquait à notre système d’intelligence collective, la pieuvre, pour recevoir le label “Robot”. Ainsi, la géo localisation des smartphones et l’analyse des terrains faite par Street View permettent de suivre le déplacement des véhicules et des humains dans le monde. De la même manière que le système Traffic Live de Tomtom, cela pourra permettre à Google Maps d’orienter au mieux la voiture via le système GPS associé, en évitant les zones de forte affluence – le jour où seules les voitures autonomes gouverneront sur nos routes, cela deviendrait un système de régulation du trafic.
Dans un virage où un conducteur humain ne verrait pas nettement le piéton, la Google Car pourrait ajouter à son système de reconnaissance visuelle, une analyse du déplacement des téléphones dans la zone visitée. Ainsi, avant même que le piéton ne décide de traverser la route, la voiture verrait venir le danger ; le visuel ne servant que de confirmation. Finalement, la robotique de demain serait-elle basée sur une conscience interconnectée avec l’ensemble des appareils communs ? Votre smartphone devient un percept (un senseur ou un capteur) utilisé par de nombreux robots ; c’est en cela qu’il prend sa place dans le domaine de la robotique.
Le rachat par Google de 8 sociétés spécialisées en robotique
Très discrètement, le géant américain a passé les six derniers mois de l’année 2013 a racheter pas moins de huit sociétés de robotique. Et c’est Andy Rubin, l’homme qui développa Android chez Google, qui est à la tête de la manoeuvre. Andy Rubin, 50 ans, a commencé sa carrière en robotique pour assouvir sa passion des machines intelligentes. Il a poursuivi sa carrière chez Apple (le monde est vraiment petit) où il a travaillé comme ingénieur de production dans les années 1990, puis chez Carl Zeiss comme ingénieur roboticien. A croire que l’histoire était déjà écrite…
Andy Rubin est l'ingénieur à la tête du secteur robotique de chez Google, après avoir lancé Android.
Andy Rubin est l’ingĂ©nieur Ă  la tĂŞte du secteur robotique de chez Google, après avoir lancĂ© Android.

Dans un premier temps, la stratĂ©gie serait de dĂ©velopper des machines accroissant les performances des usines de production ou dans lesquelles la manutention est encore très prĂ©sente. Cette stratĂ©gie a peut-ĂŞtre Ă©mergĂ©e du rachat de Motorola par Google et son choix de dĂ©velopper ses propres microprocesseurs ARM. L’avantage de cette technologie Ă©tant sa meilleure gestion des interactions entre le matĂ©riel et les logiciels, et une consommation d’énergie rĂ©duite. On pense aussi Ă  la production des X phones et Ă  la gamme de tĂ©lĂ©phones modulaires entièrement personnalisables – comme une tour de PC – que motorola dĂ©veloppe dans ses laboratoires. Mais le panel des sociĂ©tĂ©s rachetĂ©es par Google semble aller beaucoup plus loin que la simple production en usine.
Boston Dynamics
Boston Dynamics, spin-off du MIT lancée par Marc Raibert en 1992, est la dernière accession faite par Google en 2013. On ne peut pas parler d’elle sans penser à BigDog, ce gros chien aux câblages proéminents et au bruit intensifié d’un jouet à remontée mécanique financé par la DARPA (Defense Advanced Research Projects Agency) et qui se faisait maltraiter sur Youtube. La mission de ce robot était l’accompagnement d’hommes en mission, de façon à porter toutes leurs denrées lourdes. Depuis la publication de ses vidéos, il a changé plusieurs fois de nom et de forme pour devenir AlphaDog puis LS3 (Legged Squad Support Systems), une bête de 180kg avec assez de carburant pour mener des missions de 30km sur une journée. Inutile de chercher une quelconque manette de contrôle, il suit le meneur de l’équipe grâce entre autre à la reconnaissance de visage.

Le second produit qui a fait la renommée de la société est son simulateur vidéo performant nommé DI-Guy qui a intéressé tout particulièrement le NAWCTSD, une division de l’armée américaine chargée des simulations des missions navales et aériennes. Cette section de Boston Dynamics a été transférée à VT-MÄK, un vendeur de simulateurs basé à Cambridge, dans le Massachusetts.

Plus robotique, on pourra citer Petman (dérivé de Atlas), un robot anthropomorphe (singe) conçu pour tester les vêtements de protection chimique. Un mouvement naturel et agile est essentiel pour simuler le comportement des soldats en conditions réelles.

On suivait également en 2012 les évolutions de WildCat ou Cheetah (Guépard), qui était capable d’atteindre les 30km/h à la course sans pour autant satisfaire le Dr. Alfred Rizzi, directeur technique du projet Cheetah, qui visait les 80km/h. L’animal atteind désormais les 45km/h.

Le 4 octobre 2013, nous nous étonnions de la brusque multiplication des vidéos tape à l’oeil que la société diffusait sur la toile. Il y avait bien anguille sous roche puisque le 13 décembre dernier, nous apprenions que le géant du Web Google Inc. venait d’en faire l’acquisition.
Schaft
C’est dans son laboratoire de l’université japonaise de Jouhou System Kougaku (JSK) que le Professeur Masayuki Inaba a pu suivre la montée en puissance du projet de robot humanoïde de Junichi Urata et ses collègues. Projet qui a débouché sur la création d’une société en 2012, et sur son rachat par Google le 21 décembre 2013. Désormais, Schaft développe, fabrique et vend des robots humanoïdes et leurs technologies.
Les robots de type Asimo régulièrement présentés par les laboratoires et sociétés privées sont confrontés à une forte limitation de la puissance de leurs moteurs électriques, les limitant de fait en charge utile. Schaft s’est créée autour d’une solution à ce problème : une jambe robotisée à fort couple et grande rapidité de mouvement basée sur un contrôleur de moteur modifié. Pour rappel, un contrôler de moteur (Motor Driver) est un circuit électronique conçu pour guider une charge électromagnétique, comme les moteurs avec ou sans balais (brushed ou brushless) ou pas à pas. Ils permettent de fournir l’énergie nécessaire à leur alimentation sans passer par le circuit électronique de commande qui risquerait de ne pas supporter la charge.
La particularité du contrôleur de moteur de Schaft est qu’il exploite un condensateur de 13,5 Farad. L’avantage d’un condensateur est qu’il peut fournir beaucoup de courant très rapidement et efficacement, une chose qu’une batterie aurait du mal à faire. Les chercheurs ont modifié un bipède HRP3L existant, développé par Kawada Industries, pour créer leur propre robot qu’ils ont appelé HRP3L-JSK.
Le HRP3L-JSK de Schaft.
Le HRP3L-JSK de Schaft.

Ses moteurs réussissent désormais à atteindre une vitesse de 1000 degrés par seconde avec un couple de 350Nm, ce qui permet au robot de 53kg de réagir parfaitement à des perturbations comme des coups de pieds ou d’autres perturbations importantes.

Industrial Perception (IPI)
Industrial Perception (IPI) est le rĂ©sultat de la constatation faite par un groupe d’ingĂ©nieurs dĂ©veloppeurs de Willow Garage – sociĂ©tĂ© privĂ©e spĂ©cialisĂ©e dans la recherche en robotique – qu’il est pour le moment plus facile d’engager les robots chez les industriels que de leur trouver une famille. Cette constatation a rĂ©cemment Ă©tĂ© suivie par le journaliste Steve Kroft sur CBS News, qui souligne que les robots apprennent de plus Ă  plus Ă  prendre des dĂ©cisions par eux-mĂŞmes, et ils quittent de plus en plus les laboratoires pour entrer dans les usines, les entrepĂ´ts, les hĂ´pitaux et les bureaux. Les automates sont sur le point de se transformer en robots intelligents s’adressant Ă  bien plus que le secteur automobile qui ne peut dĂ©sormais plus s’en passer.
IPI a été mise au monde à Palo Alto en mars 2012 par Kurt Konolige, Gary Bradski, Ethan Rublee, Troy Straszheim et Stefan Hinterstoisser. L’objectif de la société est de développer des algorithmes offrant aux robots une meilleure perception des objets et des formes en trois dimensions, et leur permettant ainsi de manipuler les éléments d’une pile d’objets en évitant toute collision inopinée. La société s’est entre autre penchée sur un bras destiné à aider au chargement de camions.
Deux des fondateurs de IPI se sont dĂ©jĂ  dĂ©marquĂ© dans le domaine de la robotique ; Konolige a travaillĂ© au SRI International, une filière de AAAI, et avait fondĂ© quelques annĂ©es plus tĂ´t Videre Design, un fabricant de matĂ©riels et logiciels stereo, puis co-fondĂ© ActivMedia Robotics – plus tard devenu MobileRobots puis rachetĂ© en 2010 par Adept Technology. Bradski a quant-Ă -lui fondĂ© la plus populaire des bibliothèques opensource de traitement d’image, Open Source Computer Vision Libray (OpenCV). Il a Ă  son actif 69 publications et 32 brevets dans ce domaine.

Meka
Fondée en 2006 par Aaron Edsinger et Jeff Weber à San Francisco, Meka Robotics est une spin-off du laboratoire en sciences informatiques et intelligence artificielle du MIT. Remarquée pour ses travaux sur les robots humanoïdes lors de la conférence IROS 2011 où elle exposait son robot S2 et expliquait l’effet de la vallée dérangeante (Uncanny Valley effect) rencontré avec les robots humanoïdes, elle développe des matériels et logiciels pour la recherche ciblant la robotique qui peuplera notre environnement quotidien. L’expertise de la firm porte sur l’accomodation des humains aux robots, le contrôle de la force des actuateurs, le design des opérateurs, le logiciel temps réel, et l’intégration de systèmes mécatroniques.

Parmi ses créations majeures, son robot humanoïde S2, qui a la particularité de produire des mouvements très fluides, proches de ceux qu’un humain pourrait produire. Ses concepteurs ont durement travaillé pour éviter l’effet de la vallée dérangeante (Uncanny Valley effect). Cet effet bien connu des passionnés de robots humanoïdes répond au principe selon lequel plus un robot va ressembler à un être humain, plus ses imperfections vont choquer et paraître monstrueuses.

La figure ci-dessous montre le niveau de bien-être que l’on ressent face au robot (familiarité) en fonction de son niveau de ressemblance à un être humain (sur les abscisses). La vallée dérangeante correspond au niveau de ressemblance juste avant la copie parfaite d’un être humain. C’est là que l’on sera le plus choqué par les défauts de ressemblance.
Effet de la valée dérangeante.
Effet de la valée dérangeante.

Les occidentaux vont avoir tendance à être choqués de la ressemblance entre un robot et un être humain. Les asiatiques auront quant-à eux tendance à encourager cette ressemblance.
Le second bébé de Meka Robotics est Hume, un humanoïde conçu avec l’université d’Austin au Texas, pour permettre aux chercheurs d’étudier le déplacement idéal d’un bipède sur un terrain plat endommagé.
Pour cela, les scientifiques tentent de reproduire la manière dont l’humain voit son environnement pendant qu’il se déplace : Lorsque nous courons, nous ne fixons pas le sol constamment et nous nous adaptons rapidement au terrain que nous parcourons. La chute doit quant-à elle être contrôlée lorsqu’elle s’annonce inévitable.
Pour accomplir son déplacement, Hume utilise ses jambes animées par une série d’actionneurs élastiques.

Le troisième et dernier robot de Meka Robotics que nous présenterons est M1, un manipulateur mobile équipé de deux bras, une tête équipée d’une Microsoft Kinect, et une base roulante omnidirectionnelle. Le robot exploite un logiciel temps réel basé sur ROS.

Redwood Robotics
Concurrent direct de Rethink Robotics (Heartland Robotics), Redwood Robotics est une joint venture entre Meka Robotics, Willow Garage et SRI International établie en 2012 et spécialisée dans les bras robotisés simples à programmer, bons marché, et sans danger pour leur entourage.
L’annonce qui avait été faite en 2012 lors du forum « The Future of Robotics in Silicon Valley and Beyond » par Aaron Edsinger était très offensive. En effet, Redwood se chargeait de construire la future génération de bras robotisés pour robots et de les diffuser comme Apple avait diffusé la nouvelle génération d’ordinateurs (Smartphones et Tablettes). L’objectif étant d’introduire un nouveau matériel avec des interfaces révolutionnaires, fournissant des solutions clef en main pour les intégrateurs, développeurs et entreprises visant le grand public.
La société est présentée à la minute 36 de la vidéo suivante :

Bot & Dolly
Bot & Dolly est un studio d’ingénierie et de design créé en 2010 à San Francisco, spécialisé dans l’automatisation, la robotique et la réalisation cinématographique. Grâce à ses propres couches logicielle et matérielle, il exploite les capacités de robots industriels six axes autrefois utilisés pour souder et peindre les voitures. Ces robots sont ainsi libérés du sol des usines et exploités sur les plateaux de tournage pour manipuler lampes, capteurs, caméras et autres objets avec les mouvements les plus précis, les plus coordonnés et les plus complexes qui puissent être exigés dans le cinéma ; le tout avec une possibilité de répétition des gestes à l’infini. Cela permet de créer la magie d’un monde où le virtuel et le réel se confondent à travers une synchronisation et une prédictabilité sans précédent sur les plateaux de tournage.
Bot & Dolly a par exemple exploité le système IRIS pour le film Gravity d’Alfonso Cuarón, Gravity. Une interface informatique personnalisée traduisait les données de séquences d’animations exécutées dans le logiciel Maya, en mouvements physiques de cameras sur le plateau de tournage. Le but étant de capturer le visage des acteurs dans les bonnes dimensions et positions. Pour certaines prises, les 1,4 tonnes d’IRIS pouvaient tourner à une vitesse de 20 kilomètres par heure.

Autofuss
 Le Directeur Jeff Linnell au centre de la photo, accompagné de ses trois Fanuc s430iL.
Le Directeur Jeff Linnell au centre de la photo, accompagné de ses trois Fanuc s430iL.

Egalement située à San Francisco, Autofuss est sortie de la tête de Jeff Linnell pour devenir réalité en 2009. Présentée aujourd’hui comme la soeur de Bot & Dolly, Autofuss s’est construite autour de trois bras industriels six axes, des Fanuc s430iL. Une fois reprogrammés par la société, ils ont servi au tournage de publicités télévisées.

La première publicité réalisée par ces robot fût cette de Louis Vuiton faisant apparaître Buzz Aldrin. Depuis, les clients se sont largement diversifiés et on y reconnaitra Apple et Nike pour ne citer qu’eux.

Holomni
Holomni est sans doute la société la plus discrète de la liste, et toute information constructive à son sujet a été écartée de son site Internet. Elle se présente comme une compagnie développant des roues high tech directement contrôlables et tournant à 360 degrés sur l’axe vertical comme sur l’axe horizontal. En creusant un peu, on découvre que le B1 de Meka exploite les roues d’Holomni.

Ces sociétés sont capables de créer des technologies pour le développement d’un robot à grande dextérité d’après Rubin. Google, comme bien d’autres, semble parier sur le lien inextricable entre le matériel informatique et les biens physiques. Aujourd’hui, l’”Internet des objets” explose ; nous constatons une croissance exponentielle du nombre des objets connectés tels que les Smartphones, les lunettes, les montres, les régulateurs de consommation électrique, les systèmes de guidage et bien d’autres. Une immensité de services associés va bientôt apparaître et nous n’en appercevons aujourd’hui que la face visible de l’iceberg. La robotique s’assoie au millieu de ces tendances, jouant un rôle critique dans la jointure entre les mondes physique et numérique. Peut-être Google suit-il l’exemple d’Apple qui a misé 10,5 millions de dollars pour faire évoluer ses moyens de production. Ce qui est sûr, c’est que deux principaux marchés resortent de ces rachats : Le marketing avec Bot & Dolly et Autofuss, et la robotique d’assistance pour les autres.
Les technologies de haut dĂ©bit sans fil, de localisation et d’interprĂ©tation contextuelle, les nouvelles interfaces homme-machine telles que les Ă©crans tactiles et la reconnaissance vocale ont dĂ©jĂ  permis l’exploitation d’une quantitĂ© d’information jamais imaginĂ©e auparavant. Quelles informations les robots vont-ils fournir Ă  l’avenir ? Contribueront-ils un peu plus Ă  l’omniscience de Google et des autoritĂ©s ? Seront-ils exploitĂ©s sur le mĂŞme modèle d’abonnement imposĂ© par l’obsolescence programmĂ©e connue sur les smartphones ou l’écologie favorisera-t-elle l’obsolescence logicielle avant tout ? Quel concurrent pourrait s’imposer face Ă  Google pour coordonner une information mĂŞlant le logiciel, le matĂ©riel et les utilisateurs humains ?
Les acteurs que sont Honda avec Asimo, et Aldebaran Robotics avec Roméo n’ont-ils pas finalement déjà un train de retard dans le développement de l’intelligence artificielle ? Avec une conscience basée sur les technologies qui nous suivent chaque jour, le géant du Web dominera bientôt largement plus que du logiciel… Pendant que certains parlent de Smarthome en pensant révolutionner la domotique, d’autres planchent sur le SmartWorld !
Pour ou contre le SmartWorld ?
Sources : Wikipédia
01net
MIT Technology Review, vol. 116, N°6, Novembre/Décembre 2013.
Android
The Register
New York Times
01
BBC
TI
IEEE Spectrum
Derivative
Findthecompany.com
Popular Mechanics
Wired
Robotics Business News
ROS

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